Octave

Octave, vingt-trois ans et une truite à la main, s’en allait gaiement en cours de Géométrie avec Mr le Professeur Vivace.

Il faut dire que Mr Vivace était un drôle de savant. Il demandait à ses élèves de venir en cours avec un objet insolite chaque jour afin de garder cette ouverture d’esprit si essentiel à l’éclair de génie qui dissolve tout problème en trois coups de cuillère à pot.

Sur le chemin, il rencontra Ursuline à qui il tint le discours suivant tout en prenant soin de ménager sa montre :

– « Bonjour, chère Ursuline ! Comment allez-vous ? Oui, sans doute bien. Que faites-vous à une heure pareille ? Vous n’êtes pas en train de chasser le chiwawa au Galápagos ? Ah, mais oui, vous soutenez votre thèse de philosophie alors que vous n’avez qu’un cerveau d’hydravion. »

– « Toujours aussi pompeux et misogyne à ce que je vois, Octave ! » dit-elle d’un ton monocorde en do mineur.

Octave ne prit pas la peine de répondre et continua son chemin d’un pas abrupt tout en tenant bien fermement sa truite qui commençait à se mytoser. « Cinq minutes de retard, cinq minutes de retard » se répétait Octave tout en accélérant le pas. Il savait que Mr Vivace était plutôt coriace avec les chronistiques légers. Ca ne loupa pas, à peine entrée, le savant professeur lui décocha en pleine poitrine cette dithyrambique réflexion :

-« Oh, octave, mon élève, ma sueur intellectuel. Comment allez-vous d’un si bon matin? Carpe diem, Carpe diem, vous dis-je et nous dis-je et me dis-je. Cinq minutes en moins de minutes de mathématiques, qu’est ce qu’au regard de ce printemps si radieux et si adoucissant pour nos âmes d’angoissés surnaturel ? Oui, il faut en profiter, humer chaque parcelle de fragrance estivale en devenir. Oui, vous avez bien fait Mr.  C’est pourquoi, vous irez chez le Conseil principal d’Education et que vous serez en colle ce samedi. »

Octave se ravisa, prit la porte à demain et alla chez le conseiller principal d’éducation tout en se chagrinant les poiles de ses jambes en culottes courtes bien qu’il fasse moins cinq ce vendredi de janvier. Il frappa à la porte avec sa truite, toujours à la main, qui commençait à dégager une odeur fort désagréable.

–  Entrez, cria d’une voix caverneuse le CPE. Qu’est ce qui me fait cet honneur de vous parler Mr Octave ?

–  Euh…

–  Par l’amour de Dieu, quelle est cette odeur putride ? Mais, c’est cette truite. Bon Dieu, pourquoi avez-vous une truite dans la main ? C’est la continuité de votre démarche dans l’insolence insouciante, hein ? Répondez, bon Dieu, répondez ! Répondez ! Où je vais m’énerver !

– Ce n’est pas une truite, c’est Joséphine, MA truite.

– Ah d’accord… et pourquoi ne porte-t-elle pas sa veste Adidas règlementaire ?

– Je, je suis désolé, vigasztalan, sorry, troosteloos, affliggersi, apenar, betrüben, aflito, es tut mir leid, Monsieur le Chrysanthème Parallèle Emasculé, Ma veste est sale menti avec illusionnisme la fourbe truite.

– Ne jouez pas à la savante instruite et lumineuse avec moi, mademoiselle Joséphine ! Vous savez que j’en ai rongé plus d’une comme vous…et des plus dodues. Vous n’êtes qu’une carotte tendre, un travers de porc, un embryon de pâté croûté ! (Lui dit il en lui enfonçant une arête en travers de la gorge)

– Quelle arête vous me mettez dans la gorge vous dit donc ! (Répondit-elle avec une arête en travers de la gorge)

– Ne lancez pas le ballon de football à côté des cages petite clown, je vous ai à l’œil. Pourquoi venez vous me trouver dans mon bureau à une heure si matinale du matin, en étant accoutré comme vous êtes accoutré et tout

– Heu…. ! Répondit non sans panache Joséphine

– J’ai zété en retardaire avec monsieur Vivace répliqua Octave avec une assurance qui ne sciait pas du bois à un canard mais qui avait quand même de l’aplomb dans l’aile du dit canard (mal laqué soit dit en passant) et je dois faire une heure de collage de chewing-gum, il m’a dit Monsieur Vivace.

– N’essaierait tu pas de me polissonner petit polisson ?

– Oh non, c’est vraiment véridique ! (Le stratagème élaboré par le sournois génie qui ne squattait plus mais louait un gros bout du cerveau tortueux et mansardé d’Octave allait-t-il émouvoir, chatouiller et bouleverser Monsieur le Crapahuteur Prétentieux Endimanché ? Cette question me brûle tellement les lèvres que le Cacolac s’impose.

Mutilé par la révocation de la gangrène, Octave Jonssart fuit le bateau de l’au-delà. Sorti des griffes du sergent machiste il rencontre un poulain gris. Conversant sans laxisme avec le baudet, il récolte les raisins de la colère et minaude quelque chose de sucré… : un schisme ornemental pour craintifs épidermiques.

Il se vit prendre sa main et son pied puis s’enfuir vers Kartum ou Méru. C’était du pareil au même. Il alla d’abord cueillir son sac à dos gagné à la tombola de l’ASC des joueurs polonais de fléchettes et l’aquarium en Téflon de Joséphine. Pris de remords de n’avoir pas averti ses parents de sa fugue mystiquement scolaire, il leur envoya sur le chemin un petit paquet de chocolat via un pigeon voyageur gros porteur. Il rencontra en chemin un diplo-docus-mat qu’il appela Igor le nombriliste en raison d’un penchement insoupçonnable de tachycardie anthropomorphique sous jacente à une crise identitaire mal gérée dans la petite enfance. Or pataplouf !

Octave, éveillé s’étant  à peine remis physiologiquement de son émotive réaction, se sentit perdu dans le lit pliable de l’infirmerie de Melle Bourachel.